25.10.11

dessins d'après Cézanne: marcelin pleynet . . .




dessins:  la maison blanche et paysage avec viaduc


Blévy, dimanche 28 décembre 2003

Au matin, dans un de mes carnets : « La Béatitude n'est pas la récompense de la vertu, mais la vertu elle-même… » Spinoza, Éthique, V. 42.

Reprenant mes notes sur Cézanne, je découvre un fichier qui date de mon premier séjour aux États-Unis, en 1966, et qui est en très grande partie consacré aux tableaux de la collection Barnes, à Merion, à quelques tableaux du Metropolitan Museum, du Musée d'Art Moderne de New York, et de la collection de l'université de Yale… quelque cent cinquante fiches dont près d'un tiers comporte un commentaire graphique de l'œuvre, d'un détail, ou de ses lignes de force. Une cinquantaine de dessins d'après Cézanne. Ma seule expérience dans ce domaine. Sans doute pensais-je n'avoir plus jamais l'occasion de revoir ces tableaux. Je suis frappé en consultant ces fiches et ces dessins que j'avais oubliés, par le mouvement spontané qui m'a conduit, sous un prétexte ou sous un autre, à m'engager dans une semblable expérience. Ce que je n'avais jamais fait jusqu'alors, ce que je n'ai plus jamais fait depuis. J'ai en tout cas alors éprouvé le besoin d'un commentaire dessiné, très maladroitement sans doute, mais passant par une sensation qui reste aujourd'hui encore pour moi très évocatrice de l'intelligence propre à ma première émotion. Peu importe que ces dessins soient infidèles, maladroits, mauvais, ils furent et restent un acte d'intelligence autre, comme la nécessité d'une sorte d'idéogramme - le regard, la vue, la présence, la pensée de l'œuvre, passant spontanément et nerveusement par la main...

Pour la plupart, ces dessins, de la taille d'une petite carte postale, sont accompagnés d'indications plastiques (formes et couleurs), de grandeurs et de localisations. Les musées et notamment celui de la collection Barnes ne disposaient ni de cartes postales, ni de photographies, et la bibliographie illustrée de Paul Cézanne n'était pas alors ce qu'elle est devenue depuis. J'ai vraisemblablement établi ces fiches comme aide-mémoire. Ce qui me frappe maintenant c'est la sorte de mémoire qu'elles éveillent. Mémoire intérieure quasi physique de la figure, de sa lumière, de sa sonorité... dimension activement physique, présence quasi tactile de l'évocation… la main et l'oreille comme un trait.
« Situation », L'Infini, n°88, automne 2004